Modélisation avancée pour la démolition de l’Acropolis à Nice

La démolition de l’Acropolis à Nice, dans le cadre du projet d’extension de la Promenade du Paillon, est un chantier de grande envergure. Ce projet vise à transformer le centre de Nice en un vaste espace vert, nécessitant des travaux structuraux importants. Dans ce contexte, nous avons été missionnés pour étudier la structure supportant la place du Paillon, constituée par des voûtes en béton présentant une géométrie atypique. Cette étude nous a permis de comparer l’utilisation de modèles simplifiés usuels avec des modèles plus avancés pour l’analyse de cette structure. Les résultats de cette analyse permettent de mettre en exergue les types de choix auxquels peuvent être confrontés les ingénieurs, et leurs conséquences dans l’analyse d’une structure.

Modélisations simplifiées et avancées

Présentation des modèles simplifiés

Les modèles simplifiés sont ceux très majoritairement utilisés dans l’ingénierie structurelle des ouvrages, en raison de leur capacité à fournir des résultats rapides et faciles à interpréter. Ces modèles sont basés sur des théories simplificatrices, telles que les théories des poutres et des coques élastiques, qui permettent une approximation suffisante des comportements structuraux pour des structures standards. Ce type de modèle ne tient pas compte des phénomènes complexes, tels que la fissuration ou le glissement acier-béton, et peut parfois mal retranscrire le comportement d’une structure de géométrie complexe.

Présentation des modèles avancés

Les modèles avancés, quant à eux, sont basés sur les théories de la mécanique des milieux continus et permettent une modélisation beaucoup plus détaillée des structures. Ces modèles utilisent des éléments finis tridimensionnels pouvant intégrer des lois de comportement non linéaires, capables de représenter des phénomènes tels que la fissuration du béton, la plasticité des matériaux ou la diffusion des charges à travers des remblais. Ce type de modèle s’affranchi d’un certain nombre d’hypothèses, ceci étant notamment lié à la représentation massive de la géométrie de la structure, qui s’oppose aux représentations des modèles simplifiés filaires et plans sur une fibre neutre prédéfinie. La figure ci-après représente ce qui pourrait être les maillages d’une poutre à l’aide d’un modèle filaire et d’un modèle massif, et permet de visualiser le niveau de différence entre les deux modélisation.

Schéma de 2 modélisations : Filaire ou Massif

Comparaison des avantages et des limites

Les modèles simplifiés présentent l’avantage de leur rapidité de mise en œuvre et de leur facilité d’interprétation. Ils sont particulièrement utiles pour des analyses préliminaires ou lorsque les charges et les géométries sont relativement simples et bien comprises. Toutefois, leur principal inconvénient réside dans leur incapacité à capter les comportements complexes des structures sous des conditions particulières. D’un autre côté, les modèles avancés offrent des possibilités bien supérieures, au prix de temps de calcul et de ressources informatiques plus importants, et d’une augmentation de la difficulté d’interprétation des résultats. Ces modèles sont toutefois indispensables pour des structures où les comportements non linéaires, les interactions matériaux et les effets tridimensionnels jouent un rôle crucial, comme c’est le cas pour les structures de la place du Paillon. Par conséquent, le choix entre modèles simplifiés et complexes dépend fortement des exigences spécifiques du projet et des contraintes opérationnelles.

Étude de cas : Structures supportant la place du Paillon à Nice

Description des structures et des charges

Les structures supportant la place du Paillon à Nice sont un exemple parfait de conception complexe qui suscite un intérêt pour une analyse approfondie. Ces structures comprennent des dalles voûtées supportées par des poutres extradossées à inertie variable, formant une demie voûte sur les dalles.

Durant la phase de démolition du palais des congrès, ces voûtes devront supporter le poids d’un engin de 120 tonnes circulant sur un remblai. La complexité de ces structures réside notamment dans leur géométrie et dans leur interaction avec le remblai, qui génère une diffusion des efforts dépendant de la hauteur de remblai, qui varie le long des voûtes.

chantier de démolition de l'acropolis à Nice

Modélisations réalisées : simplifiée et avancée

Pour l’étude des structures de la place du Paillon, deux types de modélisations ont été réalisées : une simplifiée et une avancée. La modélisation simplifiée se base sur la théorie des poutres et des coques élastiques, utilisant des éléments de structure filaires et bidimensionnels pour représenter les poutres et les dalles. Les poutres et dalles sont articulées en pied et en clef de voûte. Dans un premier temps, les fibres moyennes des dalles et poutres sont considérées dans le même plan. Les charges de l’engin de 120 tonnes sont transmises au remblai qui diffuse les efforts en fonction de sa hauteur qui varie le long des voûtes. En l’absence de meilleure donnée, il est pris forfaitairement un angle de diffusion de 30°. La géométrie courbe des voûtes et la surface de diffusion variable rend extrêmement fastidieux la représentation des charges, qui devront être appliquées pour toutes les configurations de circulations possibles de l’engin.

Les résultats des calculs préliminaires font apparaitre un comportement des poutre majoritairement en flexion, ce qui parait contre intuitif. Il se pose alors la question de la nécessité d’excentrer les poutres, ce qui n’est pas recommandé par le guide éléments finis de l’AFGC. La complexité de la représentation des charges, et le comportement contre intuitif du modèle simplifié conduit alors à la mise en place d’un modèle avancé.

Le modèle avancé se base sur la géométrie réelle de la structure, en utilisant une modélisation élément finis massifs. On utilise pour le comportement du béton un modèle linéaire en compression et pouvant générer de la fissuration en traction. La structure du remblai est explicitement maillée, et permettra de disposer les charges d’engins à sa surface et de les faire circuler, la diffusion étant automatiquement gérée par le comportement du remblai. Le remblai utilise quant à lui un modèle de Drucker Prager, pour lequel aucune résistance à la traction n’a été considérée, et qui a fait l’objet d’une étude paramétrique concernant son module d’élasticité et sa résistance en compression. Enfin, les aciers de béton armé sont explicitement maillés par des éléments barres et sont accrochés au maillage du béton. La loi de comportement des aciers est quant à elle élastique linéaire.

modelisations acropolis

Comparaison des résultats des deux modélisations

Résultats des contraintes dans le sens porteur des voûtes

On présente ici deux résultats des calculs pour un cas de charge décrit sur la figure précédente. Les résultats des calculs des deux modélisations montrent des disparités importantes, comme en atteste les figures ci-après, qui représentent les contraintes dans le sens porteur des voûtes dans le repère global. Dans le modèle simplifié, les contraintes de traction et de compression sont surestimées d’un facteur deux, et ne présentent pas la même répartition que pour le modèle avancé. Le modèle simplifié tient compte ici d’un excentrement des poutres, qui permettait d’améliorer la corrélation entre les deux modèles, sans toutefois la faire converger vers un résultat commun.

modelisation simple et avancée

Champ de déplacement vertical

Le champ de déplacement vertical est un autre indicateur crucial des performances structurelles. Les figures ci-après montrent sur le modèle simplifié, bien qu’en ayant considéré un angle de diffusion des charges, que les déplacements les plus élevés se localisent au niveau des dalles situées directement sous les charges. Dans le modèle avancé, le déplacement est quant à lui plus diffus sur la structure, les valeurs maximales se localisant proche de la clef de voûte.

Les mesures de déplacements effectuées sur site ont confirmé la validité des résultats du modèle avancé, montrant une corrélation étroite avec les déplacements mesurés, tandis que le modèle simplifié présentait des écarts significatifs. Cela permet de démontrer l’importance de l’utilisation de modèles avancés pour des analyses structurelles détaillées.

analyses structurelles détaillées

Conclusion

En conclusion, bien que les modèles simplifiés soient utiles pour des analyses rapides et préliminaires, ils présentent des limites significatives lorsqu’il s’agit d’étudier des structures aux géométries et comportements complexes. Les modèles massifs, bien que plus exigeants en termes de ressources et de temps, offrent une précision accrue et une meilleure corrélation avec les mesures réelles, ce qui est crucial pour assurer la sécurité et la durabilité des structures. Dans le cas de la place du Paillon, l’utilisation de modèles avancés a permis de mieux comprendre les contraintes et les déplacements, et d’apporter une meilleure compréhension du comportement de ces structures. Pour des projets futurs impliquant des structures complexes, il est recommandé d’adopter des modèles avancés pour garantir des résultats fiables et sécuritaires.

Analyse des disparités entre les modèles

Les résultats des deux modélisations montrent des disparités significatives, surtout en termes de prédiction des contraintes et des déplacements. Le modèle simplifié, bien qu’utile pour une évaluation rapide, présente des limitations dans la précision des résultats, en particulier pour des structures complexes comme celles de la place du Paillon. Le modèle complexe, validé par les mesures sur site, offre une vision plus détaillée et précise du comportement structural, justifiant son utilisation dans des projets nécessitant une analyse rigoureuse. Les résultats sont ici décisifs, car le modèle simplifié conduit à limiter la circulation de l’engin de démolition dans certaines configurations, tandis que le modèle avancé l’autorise. Ces disparités mettent en lumière la nécessité d’utiliser des modèles appropriés selon la complexité de la structure et les exigences du projet.